Introduction
Si l’existence des trapps présents sur les continents est reconnue depuis longtemps (Holmes, 1918), la reconnaissance de structures similaires au niveau des océans est beaucoup plus récente. Au début des années 70, l’augmentation des données de sismique reflexion et réfraction révéla qu’il existait des portions océaniques dont l’épaisseur de la croute dépassait les 6-7km généralement admis.
Le terme de plateaux océaniques a été introduit par Kroenke en 1974 après la découverte d’une large portion de croute océanique surépaissie (>30km) dans le Pacifique Ouest connue sous le nom de plateau d’Otong-Java. Depuis, de nombreux plateaux océaniques ont été découverts et sont rassemblés avec les trapps continetaux sous le terme de Provinces Volcaniques Géantes (LIP en anglais).
Une raison des études de ces plateaux océaniques est qu’ils représentent des volumes de magmas considérables (~Mkm³) mis en place en très peu de temps (2-3Ma).
La phase la plus récente et la plus importante de formation des plateaux océaniques s’est faite au Crétacé lorsque les plateaux d’Otong Java, de Manihiki, du Hess Rise et des Caraïbes se sont mis en place alors que l’Océan Indien et le plateau des Kerguelen se développaient. Si l’on doit retenir un seul plateau océanique, c’est celui d’Otong Java qui est le plus monstrueux puisqu’il représente 44Mkm³ soit le fonctionnement de l’ensemble des dorsales pendant 3Ma
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Formation des plateaux océaniques
La production de très grands volumes de magma sur des périodes aussi courtes implique une production magmatique avec des taux jusqu’à 25% supérieur par rapport à ce qui est observé au niveau des dorsales à l’heure actuelle. De plus, cela nécessiterait un flux de chaleur supérieur au flux du manteau asténosphérique existant sous ces provinces.
Les contraintes physiques obligent à une remontée asténosphérique supérieure de 200°C au manteau environnant qui peut provenir soit de la limite à 670km soit de la couche D ».
Les datations 40Ar/39Ar ont montré que ces provinces se mettaient en place en quelques millions d’années.
Préservation des plateaux océaniques
Le plus vieux plateau océanique in situ est d’âge Jurassique puisque les planchers océaniques plus âgés ont disparu par subduction. « Heureusement », les plateaux océaniques ont une flottabilité plus importante que la croute océanique d’épaisseur normale formée aux dorsales et peuvent donc être préservés de la subduction. Par exemple, le plateau d’Otong Java est entré en collision avec la subduction à vergence ouest au niveau des îles Solomon vers 10-20Ma ce qui a changé le sens de subduction d’une part et permis l’exhumation de parties profondes du plateau au niveau de ces îles. Il est ainsi possible d’étudier les plateaux océaniques à l’affleurement. Un événement similaire s’est produit pour le plateau océanique Caraïbe.
Géochimie des plateaux océaniques
D’après les études des plateaux océaniques Crétacé, on observe une dominance basaltique avec un taux moyen de MgO de l’ordre de 6 à 10% avec des pointes fréquentes dans les coulées de laves allant jusqu’à 24%. Les données isotopiques en Sr montrent un rapport initial en général entre 0.703 et 0.704 (et un εNd de l’ordre de +6 à+9).
Influence de la croute continentale sur les plateaux océaniques
De prime abord, il semble étonnant d’évoquer une telle possibilité puisque ces plateaux se mettent en place en domaine océaniques. Cependant, des plateaux comme les Kerguelen sont associés à la rupture du contienent Gondwana au début du Crétacé et donc à la séparation de l’Inde, de l’Australie et de l’Antarctique. On trouve donc une portion importante de magmatisme sur les marges continentales comme au niveau des basaltes du Rajmahal en Inde ou des basaltes du Bunbury au niveau de l’ouest de l’Australie. Il est donc évident que dans ce cas, ces basaltes sont contaminés de façon très forte par la croute continentale et donne donc des rapports initiaux en Sr > 0.7042 (et un εNd < 4). Des études similaires peuvent être faites au niveau de la zone au large du Groenland associée au panache situé sous l’Islande.
Comment identifier le splateaux océaniques passés?
Le tableau ci-dessous résume les caractéristiques géologiques et géochimiques qui permettent d’identifier des potentiels plateaux océaniques lorsqu’ils ont été portés à l’affleurement.
Type
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Laves à fort MgO(>14%)
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Laves à faible MgO(<3%)
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(La/Nb)ppm
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Spectre de terres rares normalisés
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Pillow lavas
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Couches de cendres
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Eruption sub-aérienne
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Sédiments pélagiques intercalés
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Plateau
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Fréquente
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rare
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<1
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plat
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oui
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rares
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occasionnelle
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oui
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MORB
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rare
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rare
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<1
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appauvri en REE légère
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oui
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rares
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rare
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non
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OIB
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rare
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rare
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<1
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enrichi en REE légère
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oui
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rares
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fréquente
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non
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Arc
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rare
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fréquente
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»1
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enrichi en REE légère
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possible
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oui
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fréquente
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rare
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Trapps
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fréquente
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fréquente
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»1
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plat à appauvri en LREE
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non
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occasionnelles
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oui
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non
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Rôle des plateaux océaniques dans l’histoire géologique de la Terre
Les plateaux océaniques n’entrant pas ou peu en subduction, ils peuvent être accrétés à la croute continentale et participer ainsi à sa croissance. On peut par exemple citer :
- Une partie de la cordillère Nord américaine qui consiste en l’accolement de blocs dits « exotiques « dont les matériaux vont du Permien à l’Eocène. C’est le cas par exemple des blocs Wrangellia, Cache Crick et Angayuchan.
- Les îles japonaises sont elles aussi constituées de séries de terrains qui ont été accrétés sur la marge continentale de le plaque eurasienne durant les derniers 400Ma. Ces terrains sont constitués d’un mélange de domaines océaniques mélangés à des zones terrigènes, le tout partiellement intrudé ou transformé par les produits de subduction.
Certains plateaux précambrien ont aussi pu être identifiés au niveau des ceintures de roches vertes ce qui a des implications importantes sur la genèse de la croute continentale archéenne. On peut par exemple citer les groupes de Coonterunah et Warrawoona au niveau du craton de Pilbara (Australie) ainsi que la partie sud de la ceinture de Barberton en Afrique du Sud.
Enfin certains interpètent l’extinction du Cénomanien-Turonien (~93Ma) comme pouvant être due à la formation d’une partie du plateau d’Otong Java et des Kerguelen. Cette mise en place peut engendrer une augmentation du niveau marin, une augmentation du CO2 atmosphérique ou même une modification de la circulation océanique.