Les comètes : un dossier résumant les connaissances de l’antiquité à avant la mission Stardust

1.2.3 Les IDPS : des grains comètaires en laboratoire?

Les IDPs pour Interplanetary Dust Particles ou poussières interplanétaires sont de tout petits objets (1-50 µm en moyenne voire 500 µm pour les plus gros) collectés dans la stratosphère terrestre vers 20 à 25 km d’altitude par des avions spécialisés. Ces grains interplanétaires sont supposés être d’origines très variées provenant aussi bien de la ceinture d’astéroides que d’objets de la ceinture de Kuiper. Ils font partie des objets les plus primitifs et donc les plus informatifs sur les premiers matériaux du système solaire. L’origine extraterrestre des IDPs est attestée par les quantités de gaz rares, en particulier le  4He, implantés par le vent solaire ainsi que la présence d’une couche amorphe de 40 nm en surface due à un effet d’irradiation . De plus, le faible temps de résidence dans l’atmosphère et leur non séjour sur Terre en font des objets peu altérés contrairement aux météorites par exemple. Ils sont cependant modifiés lors de leur entrée dans l’atmosphère comme en témoigne l’existence parfois de croûte de fusion, de vésiculation due au chauffage] d’oxydation du bismuth métallique ou encore d’anneau de magnétite et de volatilisation du zinc.

 

 

Les différents types d'IDPs observés au microscope éléctonique à balayage (a-c) ou optique (d). a - une IDP poreuse anhydre, b - une IDP lisse hydratée, c - IDP non chondritique montrant un monominéral d'olivine subautomorphe avec quelques poussières de composition chondritique permettant son classement en tant qu'IDP non chondritique, d - IDP de type “giant cluster”. Ces IDPs représentent 10 à 20% du total et font de 50 à 500 µm. Leur forme particulière est due à leur fragmentation lors de l'impact sur le collecteur.
Les différents types d’IDPs observés au microscope éléctonique à balayage (a-c) ou optique (d). a – une IDP poreuse anhydre, b – une IDP lisse hydratée, c – IDP non chondritique montrant un monominéral d’olivine subautomorphe avec quelques poussières de composition chondritique permettant son classement en tant qu’IDP non chondritique, d – IDP de type “giant cluster”. Ces IDPs représentent 10 à 20% du total et font de 50 à 500 µm. Leur forme particulière est due à leur fragmentation lors de l’impact sur le collecteur.

Les IDPs sont classées en deux grands types selon leurs caractéristiques morphologiques : les IDPs poreuses et les IDPs lisses. Elles présentent une gamme de densité très large allant de 0.3 g/cm³ à des valeurs de 6.0 g/cm³. Dans le cas d’une forte densité, ces IDPs sont souvent constituées de particules métalliques. Par ailleurs, une deuxième classification vient compléter celle morphologique, en l’occurrence, une classification minéralogique : soit l’IDP a une composition minéralogique proche de celle d’une chondrite et est alors dite IDP chondritique (CP IDP pour IDP chondritique de type poreux ou CS IDP pour IDP chondritique de type lisse) ou bien elle a une composition lointaine de la composition chondritique et est alors dit IDP non-chondritique (il s’agit la plupart du temps d’un monocristal avec de la poussière chondritique dessus).

Les IDPs chondritiques

Les IDPs chondritiques présentent les deux types de morphologies : on a donc des IDP CP pour 90% d’entre eux, leur masse allant de 5.10-11 à 10-8g et des IDP CS. Par contre, la minéralogie de ces deux types d’IDP est différente.

Les IDPs poreuses

Les IDPs poreuses sont classées en 2 types principaux à partir de mesure faite en infrarouge. Selon que le spectre de l’IDP se rapproche plus de celui de l’olivine ou du pyroxène, cette-dernière sera classée en CP de type olivine (type Ia) ou CP de type pyroxène (groupe Ib). Cependant, cette similitude entre spectre n’est pas pour autant un indicateur de la composante minéralogique majeure de l’IDP. Les IDPs poreuses sont des agrégats assez hétérogènes rassemblant essentiellement des minéraux de types olivine, pyroxène, sulfure de fer et alliage Fe-Ni de taille nanométrique. Certaines de ces IDPs peuvent aussi être plus rarement des monominéraux. Ils peuvent aussi contenir des GEMS (Glass with Embedded Metal and Sulfides – Verre contenant des métaux et sulfures), des verres de silicates (qui ne proviennent pas du passage dans l’atmosphère des IDPs) et des matériaux carbonés. Parmi ces minéraux, les olivines et les pyroxènes magnésiens (Fe < 5% mol) représentent la plus grande partie de l’agrégat. La deuxième classe de minéraux la plus importante est constituée des sulfures, particulièrement la
pyrrhotite (Fe,Ni)1-x S. Cette dernière, dans le cas des IDPs peut contenir jusqu’à 20% en poids de nickel. Dans des cas plus rares, la présence de troilite, de pentlandite, de sphalerite mais aussi de cristaux de NiS a été décrite. Enfin, il est possible de trouver des matériaux carbonés au sein de ces IDPs essentiellement sous la forme de PAH (PolyAromatic Hydrocarbon) et très rarement sous la forme de nanodiamant.

Les IDPs lisses

Tout comme les IDPs poreuses, les IDPs lisses sont classées en 2 types principaux à partir de mesure faite en infrarouge : on distingue alors des IDPs CS de type serpentine si le spectre de l’IDP est proche du spectre de ce minéral (type IIa) ou des IDPs CS de type smectite (type IIb). Cependant, le phyllosilicate dominant est la smectite. Certains phyllosilicates peuvent parfois être des micas. Les espèces non hydratées sont la plupart du temps des pyroxènes (diopside, enstatite, fassaite) et de l’olivine. La minéralogie des sulfures est bien différente de celle des IDPs poreuses puisque le sulfure majeur est ici la pentlandite (Fe,Ni)9S8 qui contient beaucoup plus de nickel que la pyrrhotite. Le carbone est aussi présent dans les IDPs lisses dans des proportions et des phases minéralogiques et chimiques similaires aux IDPs poreuses.

Les GEMS

Les GEMS, pour Glass with Embedded Metal and Sulfides, sont de petites sphères dont la taille varie entre 0.1 et 0.5 µm. On les retrouve quasiment dans toutes les matrices des IDPs poreuses. Etant donné leur composition quasi-chondritique, on les considère parfois comme étant une classe de météorite chondritique à poids très faible. Le fait qu’ils puissent aussi contenir parfois du carbone pousse certains auteurs à les rapprocher des chondrites carbonées. Minéralogiquement, les GEMS ont une composition voisine des chondrites puisqu’on y trouve des inclusions nanomètriques de kamacite et de pyrrhotite dans des silicates magnésiens. La plupart du temps, le tout est emballé dans du carbone amorphe.

Image au microscope électronique à transmission en champ clair d'un GEMS inclus dans un matériel carboné amorphe (C). Les inclusions sont de la kamacite (FeNi) et des sulfures de fer.

Image au microscope électronique à transmission en champ clair d’un GEMS inclus dans un matériel carboné amorphe (C). Les inclusions sont de la kamacite (FeNi) et des sulfures de fer.

Les IDPs non-chondritiques

Les IDPs non chondritiques sont pour la plupart composées de monocristaux subautomorphes d’olivines et de pyroxènes riches en magnésium et de sulfures de Fe-Ni. On trouve souvent de la matière chondritique à leur surface indiquant une relation entre les IDPs chondritiques et non chondritiques.

Relation entre les IDPs et le système solaire

Les IDPs poreuses présentent des formes de pyroxènes particulières à savoir des platelets et/ou des whiskersequation (12) qui sont caractéristiques d’une condensation directe à partir de la nébuleuse présolaire. Ces derniers sont différentiables des enstatites terrestres par le fait que dans les IDPs les whiskers sont allongés selon l’axe [100] alors que dans les enstatites terrestres ou météoritiques, ces pyroxènes présentent un allongement de direction [001].

 

(A) Image en électron secondaire de l'IDP chondritique poreux U25A30B montrant un whisker d'enstatite (B) Image TEM en champ brillant de l'IDP CP U220A19. On peut y voir un whisker et un platelet d'enstatite ainsi qu'un GEMS et du carbone amorphe.

(A) Image en électron secondaire de l'IDP chondritique poreux U25A30B montrant un whisker d'enstatite (B) Image TEM en champ brillant de l'IDP CP U220A19. On peut y voir un whisker et un platelet d'enstatite ainsi qu'un GEMS et du carbone amorphe.

Par ailleurs, la structure cubique d’une phase de composition chimique voisine de la pyrrhotite trouvée dans les IDPs mais non présente dans les météorites indique des conditions de formation différentes pour ces deux types d’objets, confirmant la possibilité d’une condensation directe à partir du gaz nébulaire. Cependant, les sulfures ont pu aussi se former par sulfidisation gazeuse de grains métalliques prééxistants (kamacite par exemple). Par ailleurs, le reservoir permettant la formation des IDPs semble être différent, au moins pour les sulfures, de celui des météorites étant donné leur contenu supérieur en Selenium de 60%. Ceci est par ailleurs confirmé par la nature du phyllosilicate dominant dans les IDPs lisses. Si la serpentine est le composant hydraté majeur des chondrites, dans le cas des IDPs CS, il s’agit de la smectite, témoignant là encore de conditions de formations différentes ou bien de corps parents différents. Cependant, on peut opposer à ces arguments la minéralogie majeure et la pétrologie des IDPs CS qui les rapprochent fortement des chondrites carbonées de type CI ou CM puisque le corps parent de ces chondrites aurait subi une altération aqueuse très poussée. Au contraire, les IDPs CP ne présentent que très peu d’altération aqueuse et pourraient donc plus se rapprocher des comètes et permettre ainsi une vision sur le noyau cométaire. Si les IPDs CP représentent bien pour partie des noyaux cométaires, la présence des GEMS en leur sein donne encore des raisons supplémentaires pour l’étude de véritables échantillons comètaires. En effet, la forme de certains minéraux (forsterite, enstatite et pyrrhotite essentiellement) dans les GEMS montre qu’ils ont été ionisés par le vent solaire avant leur intégration aux IDPs. De plus, les GEMS partagent des similitudes avec la matière interstellaire, notamment les silicates amorphes qui la composent. Ces caractéristiques font que l’une des hypothèses proposées pour la formation des GEMS serait celle d’un environnement stellaire comprenant des géantes rouges, ceci suggèrant pour certains une origine présolaire. Si cette proposition était au départ une hypothèse, les mesures de par nanoSIMS ont démontré que, pour au moins deux d’entre eux, un excès de17 O par rapport à la valeur du système solaire en faisait des présolaires.

 

L’ensemble de ces observations au sein des IDPs et leur potentielle relation avec les comètes et les météorites posent aussi de nombreuses questions qui ont justifié un grand nombre de mission en direction des comètes. Ceci peut permettre de clarifier le modèle comètaire mais aussi d’avoir accès au lien potentiel entre comète, IDPs, météorites et matière interstellaire.

Images obtenues à la nanoSIMS sur les
 trois isotopes de l'oxyègène dans l'IDP L2005 C13. On peut y voir un grain présolaire grâce à une anomalie isotopique en 17O très nette

Images obtenues à la nanoSIMS sur les trois isotopes de l'oxyègène dans l'IDP L2005 C13. On peut y voir un grain présolaire grâce à une anomalie isotopique en 17O très nette

 

 

Molécule

[X]/[

H

2

O]

H

2

O

100

CO

23

CO

2

20

CH

4

0.6

C

2

H

2

0.2

CH

3

OH

2.4

H

2

CO

1.1

HCOOH

0.08

NH

3

0.7

HCN

0.25

HNCO

0.10

HNC

0.035

CH

3

CN

0.02

HC

3

N

0.02

NH

2

CHO

0.015

H

2

S

1.5

OCS

0.4

SO

0.3

CS

0.2

SO

2

0.2

H

2

CS

0.02

NS

0.02

H

2

O

2

<0.03

CH

2

CO

<0.032

C

2

H

5

OH

<0.05

HC

5

N

<0.032

Glycine

<0.5


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