Ne trouvant pas grand chose en français sur la post-perovskite, j’ai décidé de faire une article dessus. Je pense que cela n’interessera que les géologues… mais, sait-on jamais. Dans tous les cas, en guise d’introduction, disons que cela permet de mieux comprendre ce qui se passe dans une couche énigmatique (D ») de la Terre située entre 2700 et 2900 km de profondeur.
Lien permanent vers l’article : post-perovskite
Historique
La post-perovskite a été découverte simultanément par une équipe dirigé par Murakami du Tokyo Institute of Technology et par Oganov de l’ETH Zurich. La première a réalisée une synthèse expérimentale de ce minéral grâce aux dispositifs de cellule à enclume diamant couplé à un chauffage laser. L’équipe d’Oganov à quant elle prédit son existence théorique par des calculs ab-initio puis vérifié l’existence de cette phase par des méthodes similaires à celle de Murakami.
Cette post-perovskite serait présente dans la couche D » qui se trouve à la base du manteau inférieur vers 2900km de profondeur et résulterait de la transformation de la Mg perovskite en photo à droite (photo P. Cordier, Université de Lille).
Pourquoi la post-perovskite?
L’existence de cette phase a été supposée pour plusieurs raisons.
- La discontinuité sismique au sommet de la couche D » a une topographie importante. Celle-ci avait souvent été expliquée par une composition chimique différente entre le manteau inférieur et la couche D ». Cependant, d’autres chercheurs tel Sidorin (travaux datant de 1998 et 1999), ont proposé l’existence d’une autre phase, ceci en combinant des modélisations dynamiques et sismiques. Il prévoyait une transition de phase entre un minéral du manteau inférieur (perovskite ou magnesiowustite) en une nouvelle phase avec une pente de Clapeyron de l’ordre de 6MPa.K-1. Ce changement de phase devait se produire environ 150km au dessus de la CMB (limite noyau-manteau) soit vers 2740km de profondeur.
- Cependant, un des problèmes majeurs de la théorie de Sidorin était que cette transition de phase n’était pas connue.
- Une observation faite en 2004 par Ono a donné beaucoup de crédit à la théorie de Sidorin. En effet, l’équipe d’Ono a observé que comme MgSiO3, le minéral Fe2O3 se transformait en corindon/ilmenite puis en perovskite au fur et à mesure qu’on augmentait la
pression. MgSiO3 et Fe2O3 semblait donc avoir le même comportement face à la pression et Fe2O3 est donc un bon analogue de MgSiO3. L’observation important d’Ono fut qu’en continuant d’augmenter la pression, ils trouvèrent une phase post-perovskite de Fe2O3 de type CaIrO3 à structure Cmcm au dessus de 60GPa. On pouvait donc penser que MgSiO3-perovskite devait donc subir une transformation similaire si on continuait à augmenter la pression : les chercheurs se sont alors mis en tête de trouver cette MgSiO3-post-perovskite.
Découverte de lapost-perovskite
Les deux groupes précédemment mentionnés ont donc tous deux découverts la post-perovskite quasiment en même temps. Nous nous proposons d’exposer comment l’équipe de Murakami l’a synthétisée.
A partir d’un échantillon amorphe de MgSiO3, l’équipe a monté la pression jusqu’à 124GPa dans une cellule à enclume diamant. Ils ont ensuite réalisé un chauffage laser aux alentours de 2250-2300K à une pression de 105 à 114GPa. Tous les pics de diffraction X ont pu être indexé par la perovskite et le platine (ce dernier servant à mesurer la pression, son équation d’état étant bien connue). Ils ont ensuite à nouveau augmenté la pression à température ambiante jusqu’à 127GPa puis ont rechauffé l’échantillon à des température de
2500 à 2600K en faisant varier la pression entre 127 et 134GPa pendant 70 minutes. De nouveaux pics sont apparus (N sur la diffraction à droite) sur la diffraction X alors que les pics de la perovskite (P à droite) diminuait. Il semblait donc qu’il y ait eu une transition qui consommait de la pérovskite et formait cette nouvelle phase : la post-pérovskite
Structure de la post-perovskite
La post-perovskite est un minéral orthorhombique appartenant au groupe d’espace Cmcm. Les données minéralogiques obtenues par le biais de la diffraction X sont récapitulés dans le tableau suivant.
ystème cristallin |
Orthorohombique | Structure 3D de la post-perovskite |
||
Groupe d’espace |
Cmcm | |||
Paramètres de maille |
|
|||
Position des atomesMgSiO1O2 |
|
|||
Distanceinteratomique (Å)Si-OMg-OSi-SiMg-Mg | 1.64(x2) 1.66(x4)1.84(x2) 1.94(x4) 2.13(x2)2.46(x2) 3.05(x2) 3.11(x2)2.46(x2) 3.24(x4) |
Diagramme de stabilité de la post-perovskite
De nombreuses études de la post-perovskite ont été faites et publiées à la suite de cette découverte. L’étude du diagramme de stabilité du couple pérovskite post-perovskite a notamment été réalisé par de nombreuses équipes. Il s’agit de
connaitre les couples pression-température pour lesquels la perovskite se transforme en post-perovskite. Murakami et Oganov ont réalisé, bien entendu, ces études ainsi que d’autres groupes tels que Tatane et ses collaborateurs ou bien encore Hirose et al. (figure à droite) de façon expérimentale ainsi que Hernlund et Labrosse à partir des observations sismiques et de flux thermiques au niveau de la CMB.
Les chercheurs arrivent donc au diagramme suivant. On peut ainsi voir que la pente de Clapeyron de la transition de phase est de l’ordre de 4 à 12 MPa.K-1. Les écarts selon les auteurs sont dus pour une grande partie au calibrant de pression utilisée (or, platine, MgO..). Sidorin qui avait supputé l’existence d’une transition de phase pour expliquer les observations sismiques, proposait une pente de Clapeyron de l’ordre de 6MPa.K-1. D’une part, ce n’est pas si loin et de plus, le signe de la pente de Clapeyron est correct.
Ce diagramme de phase et sa pente de Clapeyron, ont une importance notable quant à la connaissance de la base du manteau terrestre.
Nous allons aborder dans la partie suivante les implications géologiques de ces découvertes.
Implications géologiques post-perovskite
Les observations faites au niveau de la couche D »
Une discontinuité importante des vitesses sismiques a été observée dans de nombreux endroit dans la partie la plus basale du manteau, notamment au niveau de l’Amérique Centrale et de la mer des Caraïbes, au dessous du Pacifique central et enfin de l’Atlantique Sud.
La discontinuité sismique D » se situe au sommet de la couche D » aux alentours de 2600-2700km (119-125GPa), quelques centaines de kimomètres au dessus de la CMB. Une accélération des ondes sismiques se produit au niveau de cette discontinuité de l’ordre de 2,5 à 3,0% aussi bien pour les ondes P que les ondes S même si cette discontinuité n’est pas présente partout, spécialement pour les ondes P. Avant la
découverte de la post-perovskite, ces accroissements de vitesse n’étaient interprétés qu’en terme d’anomalies chimiques ou thermiques.
Les ondes sismiques de type S montre une polarisation au niveau de la couche D ». La polarisation des ondes est horizontale, c’est à dire que les ondes traversant la couche D » horizontalement ou latéralement vont plus vite que celle qui la traverse verticalement ou autrement dit transversalement. Cette polarisation engendre une différence de vitesse entre les deux ondes de l’ordre de 1 à 3%.
Les explications par la post-perovskite
Les paramètres d’élasticité de la perovskite et de la post-perovskite ont été calculé par de nombreux groupes (Iitaka, Tsuchiya et al., Oganov et Ono). Ceci a montré qu’a faible température la modification de vitesse due à la transition de phase devait augmenter la vitesse des ondes S de l’ordre de 1% et des ondes P de -0.1%. Cependant, les calculs réalisés pour les hautes températures fait par Stackhouse et ses collaborateurs montrent que l’augmentation de la vitesse des ondes S sera bien plus importante que celle des ondes P dont la vitesse sera
très peu modifiée. Ces résultats sont généralement en accord avec les observations que nous avons présenté plus haut, notamment le fait que la discontinuité D » est bien plus souvent détecté pour les ondes S que pour les ondes P.
Il est à noter tout de même que l’amplitude de l’augmentation reste faible au regard des observations mais, une orientation préférentielle des minéraux n’est pas à exclure, ce qui expliquerait ce saut de vitesse plus important.
De plus, la couche D » est une couche limite thermique de la convection du manteau. Ceci implique donc une déformation horizontale importante due à la convection sus-jacente, ce qui peut orienter fortement les minéraux de post-perovskite. Des études faites par Miyajima et ses collaborateurs (photo à droite) en MET (Microscope Electronique à Transmission) sur des analogues montre que cette déformation de la post-perovskite existe : le plan (010) s’alignent parallèlement à la déformation qui se réalise dans la couche D ». Dans ce cas, les ondes S polarisée horizontalement vont de l’ordre de 3 à 4% plus vite que celle polarisée verticalement. C’est exactement ce qui est observé.
Les conséquences géodynamiques
La pente de Clapeyron de la transformation montre que la réaction est fortement exothermique. Les simulations numériques de Nakagawa et Tackley ont montré qu’une réaction qui dégage autant de chaleur destabiliserait la couche limite thermique et favoriserait la formation de panache. Cependant, il n’est pas sur que cela provoque des panaches aussi larges que ceux connus au niveau du Pacifique Central et de l’Afrique mais plutôt des champs de petits panaches. Cependant, Matyska et Yuen ont suggèré que le transfert radiatif est très important dans la stabilisation de la couche thermique et que cela permettrait finalement la genèse de large panache. Parallèlement, les récentes tomographie haute résolution de Schubert montre qu’un panache est en fait une somme de plus petits panaches.
La pente de Clapeyron de la transition de phase est fortement positive. Ceci implique donc que la profondeur de la transition de phase va varier de façon importante avec la température. En effet, l’épaisseur de la couche D » change de façon importante. De plus, il est possible d’avoir à plus forte profondeur un retour de la perovskite comme le suggère Hernlund et ses collaborateurs (voir figure à droite : le géotherme coupe deux fois la courbe de transition de phase conduisant à l’enchainement
perovskite-postperovskite-perovskite). Ceci suggère que la phase dominante de la base du manteau change latéralement. Les variations de température peuvent notamment avoir pour origine l’arrivée d’une plaque plongeante qui va diminuer localement la température et donc remonter la transition pv-ppv ou le départ d’un panache dans lequel la post-perovskite pourra être absente.
Synthèse sur la couche D » et post-perovskite
Finalement, on arrive à l’heure actuelle à l’image suivante de la couche D » (d’après Hirose).
On note la présence d’une ULVZ (Ultra Low Velocity Zone) et de melting products. Nous y reviendrons prochainement.
très interessant! merci