La datation par traces de fission en Géologie

Traces de fission - Fission TrackLes méthodes de datation en géologie sont très variées. J’ai fait la semaine dernière un cours sur le temps en géologie. Loin de pouvoir évaluer si les étudiants ont tout compris, j’ai quand même pu noter que la méthode à base de trace de fission a eu du mal à passer. Je leur ai donc fait un petit complément qui pourrait être utile à d’autres. Voici ce complément :

Il existe deux atomes d’uranium $ ^{238}$U et $ ^{235}$U. Le $ ^{238}$U peut fissioner naturellement éjectant ainsi deux atomes fils grande vitesse, ce qui produit des défauts dans les minéraux où se produit cette désintégration. Ces traces peuvent être révélées par des attaques acides sur le minéral (HF) : ce sont les traces de fission. En comptant le nombre de traces présentes dans le minéral à l’heure actuelle, on peut
en déduire la quantité de $ ^{238}$U qui a disparu depuis la formation du minéral.

La quantité de $ ^{238}$U dans le minéral va être modifiée par deux réactions: 

  • la réaction de désintégration radioactive, répondérante, qui s’effectue avec une constante de désintégration de$ \lambda_d = 0,155.10^{- 9} \ensuremath{\operatorname{an}}^{- 1}$
  • la réaction de fission, beaucoup moins probable, qui se produit avec une constant de $ \lambda_f = 8,46.10^{- 17} \ensuremath{\operatorname{an}}^{- 1}$

Si on note $ ^{238}U_t$ la quantité d’uranium 238 présent à l’heure actuelle, on peut écrire pour la formation des traces de fission que

$\displaystyle \frac{\ensuremath{\operatorname{dN}}_1}{\ensuremath{\operatorname......} = - \frac{d^{238} U}{\ensuremath{\operatorname{dt}}} = \lambda_f (^{238} U)_t$ (1)

Or, l’uranium 238 actuel dépend aussi de la quantité d’uranium 238 qui a disparu par désintégration depuis la formation du cristal. Autrement dit,on a toujours :

$\displaystyle ^{238} U_t =^{238} U_0 .e^{- \lambda_d (t - t_0)}$ (2)

En injectant (2) dans (1), on obtient :

$\displaystyle \frac{\ensuremath{\operatorname{dN}}_1}{\ensuremath{\operatorname{dt}}} = \lambda_f . (^{238} U)_0 .e^{- \lambda_d (t - t_0)}$ (3)

En intégrant par rapport au temps (3), on obtient

$\displaystyle N 1 = - \frac{\lambda_f}{\lambda_d} . (^{238} U)_0 .e^{- \lambda_d (t - t_0)}$ (4)

Le problème c’est qu’on ne connait pas la quantité initiale de l’uranium 238. Par contre, on peut connaitre indirectement la quantité d’uranium 238 à l’actuel. En extrayant de (2) la quantité de $ (^{238} U)_0$ en fonction de (^238U)_t et en l’injectant dans (4) on obtient l’équation suivante :

$\displaystyle N 1 = - \frac{\lambda_f}{\lambda_d} . (^{238} U)_t .e^{\lambda_d [(t - t_0) - 1]}$ (5)



On a donc un lien entre le nombre de traces de fission à l’actuel et la quantité d’uranium 238 actuel. Pour obtenir la quantité d’uranium 238 actuel, évidemment on peut broyer le minéral et faire une mesure (voir interet ou plutôt non interet à la fin). Cependant, on peut aussi utiliser l’uranium 235 qui lui, ne fissione pas naturellement.

Si on chauffe notre minéral, les défauts dans le réseau cristallin (ici les traces de fission) vont disparaitre. On a donc un minéral sans trace de fission. On va alors bombarder le minéral de façon contrôlée avec des neutrons ce qui va produire la fission de l’uranium 235, fission qui se produit très rapidement. On va donc pouvoir compter le nombre de traces de fission dues à l’uranium 235 qui est actuellement présent dans l’échantillon. A partir de ce nombre de trace de fission, on peut en déduire la quantité d’uranium 235 présente actuellement dans notre
minéral. (Equation (5) appliquée à l’uranium 235 où on connait tout sauf $ (^{235} U)_t$

Or, le rapport isotopique entre uranium 238 et uranium 235 est le même dans notre minéral et dans la Terre à l’heure actuelle. En effet, lors de l’intégration de ces isotopes dans le minéral lors de sa formation, les isotopes n’ont pas été fractionnés : leur rapport a évolué par désintégration et par fission exactement comme dans la Terre. Or le
rapport uranium 238 sur uranium 235 de la Terre actuelle est connu. Donc connaissant ce rapport dans la Terre, qui est le même que dans le minéral et connaissant la quantité d’uranium 235 dans notre minéral, on peut en déduire la quantité d’uranium 238 actuel dans le minéral.

Puisqu’on connait N1, le nombre de traces de fission du à l’uranium 238, et (238U)t, la quantité d’uranium dans notre échantillon à l’heure actuelle, on peut en déduire $ t-t_0$.
On a alors l’âge par les traces de fission de notre minéral.

Interêt : les températures de fermeture des minéraux pour les traces de fission sont basses (300°C pour les zircons, 100°C pour les apatites) alors que celle pour les méthodes de datation U-Pb sont beaucoup plus élevées (800° C pour les zircons). Cette méthode peut donc permettre de mettre en évidence des fermetures plus tardives du système qui peuvent
par exemple être dues à des mouvements
tectoniques (enfouissement qui réchauffe légèrement) et qui ne sont pas visible par les méthodes radiomètriques. C’est ce qui a pu être appliqué au niveau des dômes gneissiques de la Montagne Noire : au niveau du point 1, on a daté le passage de l’isotherme 300°c sur les zircons et 100°C sur les apatites à environ 275Ma : le refroidissement s’est fait rapidement. Dans le cas du point 2, on date le passage de l’isotherme 300°C à 275Ma mais celui de l’isotherme 100°C vers 140 à 100Ma. Ceci peut être interprété avec la géodynamique pyrénéenne. Une partie de la compression pourrait avoir réenfoui du matériau : il sera donc en profondeur et sera donc réchauffé moins vite.

Datation par trace de fission des remontées des dômes gneissiques de la Montagne Noire, France


Commentaire

La datation par traces de fission en Géologie — Un commentaire

  1. génial ce complément, juste ce qu’il me fallait pour mon exam !!
    merci et bonne continuation

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