Les météorites et le manteau terrestre : confrontation entre phases naturelles de haute pression et cellule à enclume de diamant

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J’ai décidé de faire un nouveau petit article d’enseignement sur les météorites en plus de celui-ci et de cette correction de leçon pour les agreg. N’hésitez pas à commenter et poser vos questions!

Les météorites : des échantilloneurs naturels du manteau terrestre

Les météorites sont des roches extra-terrestres qui sont soit des fragments d’astéroides, soit de planètes. L’une des grandes classes de météorites, les chondrites, sont dites représentatives de la Terre globale. On s’en sert d’ailleurs pour affiner la composition chimique de la Terre. Cependant, ces météorites peuvent aussi renseigner sur la minéralogie du manteau terrestre, notamment en complément des expériences réalisées en cellule à enclume de diamant. La question : comment et pourquoi?

Quelles sont les caractéristiques des chondrites qui en font des potentiels échantilloneurs du manteau terrestre?

Pour résumer, les chondrites sont composées minéralogiquement d’olivine, de pyroxène et de fer. Or, on sait que l’olivine et le pyroxène sont les constituants principaux d’une péridotite. Elles ont donc des points communs avec le manteau terrestre. De plus, pour arriver sur Terre, elles ont subi un choc important qui peut avoir amené des conditions physiques équivalentes à celle du manteau terrestre.

Comment les météorites peuvent-elles renseigner sur la minéralogie du manteau?

Les chondrites, pour arriver sur Terre ont du être arrachées à leur corps parents, c’est à dire un planétésimal qui a pu être complètement détruit. Cet arrachage ne peut se produire que par un choc violent, ce qui va entrainer une augmentation très importante de la température et de la pression. Les conditions physiques du choc qui sont enregistrées dans les chondrites montrent qu’on peut atteindre des pressions pouvant aller jusqu’à 30GPa, ce qui correspond à une profondeur d’environ 800km. On peut donc avoir accès à des échantillons naturels, de composition minéralogique similaire à la Terre et qui ont subit des pressions et des températures analogues à celle que supportent les roches du manteau.

Polymorphe de l’olivine dans les chondrites et dans le manteau

Diagramme de phase de l'olivineLes études réalisées en cellule à enclume de diamant permettent d’envisager les choses de la façon suivante : de 0 à 410km, c’est l’olivine qui est stable. Ensuite, à cause de l’augmentation de pression essentiellement, elle se transforme en wadsleyite. Puis, au-delà de 520km de profondeur, la wadsleyite se transforme en ringwoodite. Cette dernière se dissocie à 660km de profondeur en perovskite et magnesiowustite. Ce sont ces transitions de phases au sein du système olivine et notamment la dimiminution de volume associée à chaque transition de phase qui sont responsable en grande partie des discontinuités sismiques observées dans le manteau. Si on admet ceci, une démarche simple est de regarder dans des échantillons naturels si de tels minéraux peuvent être observées. Il s’agit seulement ici de savoir si ces minéraux existent vraiment dans la nature et non de redéfinir les diagrammes de stabilité de l’olivine, wadsleyite et ringwoodite.

Olivine cristal/crystal animation Wadsleyite Cristal/crystal animation Ringwoodite cristal/crystal animation
Animation du minéral d’olivine qui cristallise dans le système orthorhombique Animation du minéral de wadsleyite qui cristallise dans le système orthorhombique. Le petit atome bleu est un hydrogène : la wadsleyite peut contenir 2% d’eau. Animation du minéral de ringwoodite qui cristallise dans le système cubique

En 1970, Binns découvre dans la chondrite Tenham la première trace d’un polymorphe de haute pression de l’olivine, la ringwoodite ou olivine γ. En lame mince, la ringwoodite se présente sous forme de « patchs » bleus en lumière polarisée non analysée au niveau des bordures des minéraux d’olivine. Ces minéraux d’olivine ont été enrainés dans des veines de choc, c’est à dire des zones ou la météorite a partiellement fondue. La haute température présente dans la veine de choc a permis d’activer thermiquement la transition de phase entre l’olivine et la ringwoodite. Cependant, les mesures chimiques sur l’olivine et la ringwoodite montre que celles-ci sont proches : la ringwoodite s’est donc bien formée à partir de l’olivine et non comme une cristallisation du liquide magmatique de la veine de choc. Après des études en diffraction des rayons X, le minéral est clairement identifié comme étant de la ringwoodite. On a donc ici la première occurence d’un minéral du manteau terrestre, se trouvant normalement à plus de 500km de profondeur dans un échantillon naturel.
Les recherches autour de l’autre polymorphe de l’olivine, l’olivine β ou wadsleyite vont se poursuivre jusqu’à ce que Putnis et ses collaborateurs découvrent ce polymorphe au sein d’une autre chondrite, la météorite de Peace River. Cette fois-ci la wadsleyite se présente sous forme de petits amas verts en lumière polarisée non analysée.
Ainsi, les deux polymorphes de l’olivine ont été découverts dans deux météorites distinctes mais montrent qu »il est possible de faire le lien entre les résultats des expériences de pétrologie à haute pression et les échantillons naturels.

Le système Pyroxène et MgSiO3Diagramme de phase des pyroxenes - MgsiO3

Il nous faut ici utiliser une dénomination un petit peu double. En effet, nous avons vu que les expériences en cellule à enclume de diamant prévoit la dissociation de l’olivine (Mg2SiO4) en perovskite (MgSiO3) et magnesiowustite (MgO). Nous allons donc traiter du système MgSiO3 qui concerne donc aussi bien le système pyroxène que le système olivine à partir de 660km.
Les études en cellule à enclume de diamant prévoit l’existence des polymorphes suivants : la majorite, l’akimotoite (aussi appelé MgSiO3-ilmenite) ainsi que la perovskite (et plus recemment la post-perovskite). Le diagramme à droite (cliquez dessus pour l’agrandir) permet de situer les différents domaines de stabilité des polymorphes précités.
Le premier polymorphe de haute pression du système pyroxène a avoir été trouvé est la majorite. C’est à nouveau dans la chondrite Tenham que ce minéral a été découvert par Chen et ses collaborateurs. De même l’akimotoite a été découverte en même temps par deux équipes distinctes, l’une dans la météorite Tenham (Tomioka et Fujino) l’autre dans la meteorite Acfer (Sharp et collaborateurs) en 1997. Ces deux équipes ont aussi rapportées l’existence de perovskite au sein de cette météorite. Cependant, la découverte de la perovskite fait encore débat, notamment car la seule identification est une diffraction électronique.

Les autres systèmes : silice et feldspaths

D’autres échantillons de haute pression ont été rapportées dans les météorites.
C’est notamment le cas des polymorphes de la silice : la coesite (mais on la trouve aussi en inclusion dans certains grenats provenant d’éclogites des Alpes ou de l’Himalaya), la stishovite, la seifertite (aussi appelé post-stishovite à structure a-PbO2), post-stishovite à structure de baddeleyite.
De même on a pu observer des polymorphes à haute pression des fledspaths comme la lingunite (polymorhe haute pression des feldspaths plagioclases, structure hollandite) ou bien la K-hollandite qui est le polymorphe haute pression de l’orthose.

Le
tableau suivant permet de résumer l’ensemble des minéraux de haute pression découverts dans les météorites ou avec le concours de météorites comme dans les cratères d’impact.

Equivalent basse pression Minéral de haute pression découvert Météorite
Olivine Wadsleyite
Ringwoodite
Peace River
Tenham
Pyroxène Akimotoite
Majorite
Perovskite (?)
Tenham, Acfer 44
Tenham
Tenham, Acfer 44
Feldspath Lingunite
K-hollandite
Sixiangkou
Zagami
Silice (Quartz) Stishovite
Seifertite
Post-stishovite à structure de Baddeleyite
NWA856
Shergotty
Shergotty
Carbone Nouvelle forme cubique Cratère d’impact de Popigai
Magnesiowustite Magnesiowustite Sixiangkou, Tenham
Rutile Structure a-PbO2
Structure ZrO2 (baddeleyite)
Cratère d’impact du Ries
Cratère d’impact du Ries
CAS : Calcium AluminoSilicate Zagami

Voilà, des questions?


Commentaire

Les météorites et le manteau terrestre : confrontation entre phases naturelles de haute pression et cellule à enclume de diamant — 2 commentaires

  1. Bonjour,
    M. Ferroir
    Je suis vos travaux pour essayer de comprendre comment est ce que l’on peut expliquer la structure, composition de la terre avec les météorite;
    Je vous remercie pour votre article mais le choc dont vous parlez il est fait dans l’espace ou à l’arriver sur terre?
    Je vous remercie d’avoir consacrer un peu de temps à la lecture de ma question.

  2. Le choc entre les météorites se fait dans l’espace lors d ela collision de deux asteroides qui ejectent donc des fragments donnant ainsi les météorites.

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